Vous trouverez ci-dessous, un article réalisé par Geneviève ROY du magazine BREIZH FEMMES, qui retrace avec fidélité mon activité au quotidien.

Elle pratique l’esthétique autrement

« J’ai une cabine de soins comme dans un institut où je travaille de la même manière, avec la même gestuelle ».

Comme dans un institut… mais pas tout à fait quand même ! Karine Landais est certes esthéticienne mais dans un endroit particulier.

Son métier, elle l’exerce dans un hôpital auprès de malades – principalement des femmes – atteint-e-s d’un cancer ou en soins palliatifs.

Ce qu’elle souhaite mettre en avant c’est sa fonction « d’accompagnante »; pour elle, l’esthétique n’est qu’un « outil »parmi d’autres pour aller mieux.

Elle estime que son « parcours esthétique n’a jamais été classique ». Karine Landais est socio-esthéticienne depuis trois ans au CHP de Saint-Grégoire, près de Rennes, et n’a finalement que très peu exercé en institut. Très vite, la jeune femme s’est dirigée vers des pratiques innovantes. Employée d’un « magasin diététique », elle se forme à la cosmétologie biologique, à la phytothérapie ou encore à l’aromathérapie.

Un « regard différent »à l’hôpital

« Pendant une dizaine d’années, je n’ai rencontré que des personnes concernées par leur santé, leur bien-être ou la prévention »résume-t-elle aujourd’hui. Du coup, c’est tout naturellement qu’elle a « envie de travailler l’esthétique autrement ».

Elle devient socio-esthéticienne, une pratique vieille de plus de trente ans mais encore mal connue qui pourtant est intégrée dans les plans cancers au même titre que les rencontres avec un-e diététicien-ne, un-e kiné ou un-e psychologue. Travailler en cancérologie, une envie mal définie qui traînait dans sa tête durant sa formation et qui devient réalité quand à l’issue d’un stage, pour lequel elle a un peu forcé la porte du CHP, un poste est créé pour elle.

« Il a fallu y aller petit à petit »dit-elle, reconnaissant que son arrivée a suscité quelques incompréhensions parmi le personnel soignant ; elle a « les mains dans les produits de beauté »alors que d’autres gèrent les actes de la vie quotidienne moins glamour. « C’est un poste qui n’existait pas ; il a fallu que je fasse ma place mais j’apportais un regard différent »dit Karine qui estime désormais faire partie intégrante de l’équipe soignante.

Une relation humaine qui bouscule

Formée à l’esthétique, Karine ne vient pas du milieu médical qui peut parfois « bousculer ». Pour travailler auprès de personnes gravement malades, elle pense qu’il faut « être prêt-e dans sa vie ». « On n’atterrit pas dans ce type de métiers et dans ce types de services par hasard– dit-elle – Dix plus tôt, je ne l’aurais pas fait. Ce sont mes expériences personnelles qui font qu’aujourd’hui , je suis capable de faire ça. »A quarante-quatre ans, Karine pense avoir la« maturité nécessaire ». Et pour gérer son stress personnel, elle a découvert le yoga et la méditation ; elle compte aussi sur la psychologue du service et le dialogue avec ses collègues mais encore sur son « super mari »et ses enfants auprès de qui elle peut décompresser.

« Quand je fais la liste des malades que j’ai accompagné-e-s depuis trois ans, je me dit que beaucoup sont parti-e-s ; ce n’est pas anodin– confie Karine – Émotionnellement ce n’est pas simple ; ça m’atteint ! »Un peu plus tard, elle dira sobrement :« Quand je quitte la clinique et que je ferme la porte, la journée est derrière moi… mais pas toujours, parfois j’en parle en me couchant. »Mais Karine le sait « le jour où [elle] ne pleurera plus, il faudra penser à faire autre chose ! »

Que se soit au CHP où elle travaille à mi-temps ou durant les ateliers qu’elle anime avec des personnes en réinsertion professionnelle, ce qui l’intéresse dans ce travail de socio-esthétique, c’est précisément ce qui touche au social. Elle aime dire qu’elle « accompagne »les gens. Elle leur redonne confiance en eux, les rassure.

Un temps à part, un temps pour soi

A l’hôpital, les femmes qui viennent la voir suivent des traitements de chimiothérapie, notamment pour soigner des cancers du sein, qui provoquent la chute des cheveux, des sourcils, des altérations au niveau de la peau ou des ongles. Elle leur propose un temps pour elles, « un temps à part »: des conseils, des soins de beauté ou tout simplement du confort et de l’écoute. « Elles m’en disent autant qu’à un psychologue– dit l’esthéticienne – c’est de la détente et c’est plus facile pour elles de parler de tout, de leur aspect physique mais aussi de leur maladie ou de leur sexualité. »

Des intervenantes comme Karine existent désormais dans tous les services de cancérologie et leur clientèle ne cesse de se développer. Au CHP, les malades peuvent être pris-e-s en charge dans leur chambre, dans les salles de soin de chimio ambulatoire ou encore dans le petit cabinet aménagé pour Karine.« Il y a des huiles essentielles, de la musique, j’essaie de faire comme à l’institut »dit-elle.

« J’aime ce que je fais– dit encore Karine – mais ce que j’aime surtout c’est accompagner et je ne resterai pas dans l’esthétique qui n’est qu’un outil finalement. »Elle prépare déjà un avenir qu’elle envisage « plus thérapeutique »et se formera prochainement à la réflexologie plantaire tout en travaillant à introduire des huiles essentielles dans les protocoles de soins. « Tout doit toujours être validé par les médecins »précise-t-elle. Mais petit à petit Karine fait entrer à l’hôpital une nouvelle façon de prendre soin des malades, moins médicamenteuse, un complément naturel aux traitements pour mieux gérer le sommeil, les nausées ou les douleurs physiques et psychiques.

Geneviève ROY